Développement des Etats ouest-africains / DG du CSRS : « Notre mission est de générer des évidences crédibles…pour le bien-être des communautés »

Le développement de l’Afrique, singulièrement des pays ouest-africains, demeure au centre des préoccupations. Le Centre suisse de recherches scientifiques (Csrs) ne demeure pas en marge des actions à mener. Dans ce cadre, une équipe de la rédaction s’est rendue au siège de l’institution sis à Yopougon, Adiopodoumé, Km 17, pour un entretien. L’occasion a été donnée au Directeur général de la structure de mettre l’accent sur les axes prioritaires, sans oublier les perspectives. 

1 – Bonjour Monsieur le Directeur ! L’organe de presse Nouvelles du Continent se réjouit de l’opportunité que vous lui donnez de s’entretenir avec vous ce jour. Mais avant d’entrer dans le vif du sujet, pouvez-vous vous présenter à nos internautes ?

Bonjour ! Je suis Pr Koné Inza, Directeur général du Centre Suisse de Recherches Scientifiques (CSRS) en Côte d’Ivoire. Je suis biologiste de la conservation, enseignant chercheur à l’UFR bioscience, à l’Université Félix Houphouët Boigny de Cocody.

2 – Monsieur le DG, le centre existe depuis 1951. Dites-nous, en quelques mots, en quoi consistent les missions qui lui sont assignées !

Le Csrs est établi en Côte d’Ivoire, avec un mandat sous-régional. Nous sommes présents non seulement dans le pays, mais également dans toute la sous-région ouest-africaine, voire au-delà, avec plusieurs domaines d’interventions. Nous sommes dans les domaines de la biodiversité, la sécurité alimentaire, la santé humaine, la santé animale et de l’assainissement urbain.

Nous sommes aussi dans le domaine de la gouvernance, de façon transversale. Notre crédo, c’est la recherche, en partenariat, pour le développement durable en Afrique de l’Ouest. Notre mission est de générer des évidences crédibles, à travers la recherche scientifique, pour soutenir les actions de développement, le bien-être des communautés, qui sont les bénéficiaires de nos recherches, dans chacun des domaines susmentionnés.

A cette mission, s’ajoute le renforcement des capacités individuelles, à travers la formation des chercheurs. Mais l’initiative prend en compte le renforcement des capacités institutionnelles. En ce sens que nous essayons de partager notre savoir-faire avec d’autres institutions internationales. De sorte que notre contribution collective à la production de la connaissance soit significative, au plan global. Il est question de faire en sorte que les institutions du Sud soient également présentes, en matière de production de la connaissance, de transformation des sociétés.

3 – Parlant des différents domaines de la recherche, quels sont vos axes prioritaires ?  

Les axes prioritaires de la recherche dépendent de chaque domaine. Au niveau de la biodiversité, nous mettons l’accent sur l’évaluation économique des services écosystémiques. C’est-à-dire comment on peut démontrer que la conservation de la nature n’est plus un luxe, mais une nécessité économique. En effet, la plupart des schémas de développement que nous pouvons imaginer, s’ils se font, sans le maintien du capital naturel, ne seront pas durables. Les ressources naturelles sont des atouts majeurs, pour la plupart des pays africains.

 

Dans le domaine de la sécurité alimentaire, les axes prioritaires sont d’ordre classique. Au niveau de la production, il est question de déterminer les modes qui sont durables, compatibles avec les exigences de la gestion des sols, de l’environnement, etc. Ces axes se situent également au niveau de la transformation, les mécanismes, à petite ou grande échelle, à mettre en place, pour développer les chaines de valeur.

Cette politique concerne aussi la commercialisation. Nous faisons intervenir des agronomes, sociologues, économistes, dans toute cette chaine de recherche, afin qu’en ayant cette approche holistique, les innovations que nous apportons en milieu paysan soient adoptées facilement. Les agriculteurs se rendent compte, en réalité, que cela change considérablement leur vie, leurs relations avec le sol, la nature. Ça change la façon dont ils peuvent avoir des revenus, en toute saison.

Dans le secteur de la santé, l’un des axes prioritaires concerne les essais cliniques. Car le fardeau des maladies émergentes et ré-émergentes est de plus en plus lourd. Pour le porter, il faut des personnes, des ressources humaines, matérielles, des équipements, pour mener des recherches pointues qui soient, et dans le diagnostic, et dans le traitement. Nous travaillons sur des maladies comme le paludisme, la dingue, le Vih, voire le covid-19.

Dans le domaine de la nutrition, nous nous appuyons sur les spéculations locales, pour améliorer les conditions de vie des populations africaines. Nous nous appuyons aussi sur la transformation, l’exploitation des ressources produites localement. Nous pouvons améliorer l’alimentation des enfants de 0 à 5 ans, des adultes, avec des formulations inspirées des cuisines ivoiriennes ou africaines.

4 – A la lumière de ces exposés, on peut affirmer que l’institution a une place essentielle dans le développement des Etats africains ?

Notre apport au développement local est très significatif. Dans la majeure partie de nos domaines d’intervention, nous avons changé les paradigmes. Que ce soit sur le terrain, avec les communautés villageoises, qu’au plan national, en influençant les politiques. Ça été le cas pour la politique de conservation de la biodiversité. Le changement apporté porte sur une plus grande responsabilisation et autonomisation des communautés rurales, dans la gestion de leurs patrimoines naturels.

Au niveau de la sécurité alimentaire, nous avons introduit des variétés améliorées de tomate, manioc et d’igname, dans les grands bassins de production de ces spéculations en Côte d’Ivoire, avec des techniques culturales innovantes. Ces méthodes permettent d’atteindre des rendements jamais égalés, en milieu paysan. Ce qui leur permet de multiplier leurs revenus de fois par cinq, dix, pour certaines communautés.

Nous impactons également les politiques nationales, par notre implication dans les programmes nationaux. Que ce soit dans les secteurs de la biodiversité, la sécurité alimentaire, tout comme dans le domaine de la santé. Nous avons même impacté certaines politiques de l’Oms, notamment le traitement de la filariose lymphatique, en Afrique et en Asie, grâce à des essais cliniques que nous avons conduits, ici au centre suisse. C’est dire que notre impact sur le développement des Etats est palpable, à des niveaux divers.

 

5 – Vous avez parlé tantôt des innovations. Au niveau économique, y aurait-il des actions susceptibles d’impacter davantage le progrès du pays ?

Au niveau économique, nous introduisons des variétés améliorées, qui permettent non seulement d’accroitre le rendement de certaines spéculations, d’augmenter la résilience des plantations aux fléaux tels que les maladies, les prédateurs ou ravageurs, etc. Nous agissons donc directement sur l’un des piliers de l’économie, l’agriculture. Si nous contribuons au bien-être des populations, à travers nos actions en lien avec la santé, les prises en charge, les diagnostics améliorés, nous contribuons à créer une masse critique d’opérateurs, capables de continuer les activités. Ils créent ainsi des richesses dans différents domaines.

Nous contribuons au maintien de nos massifs forestiers, de la biodiversité, capital naturel, un atout indéniable pour les programmes de développement, par la création de barrages hydro-électrique. Sans oublier la production agricole, dépendante de la pluviométrie, elle-même dépendante du maintien des forêts. C’est dire que nous sommes au cœur des actions qu’il faut, pour impacter positivement le développement du pays, voire de la sous-région.

6 – Vos actions ciblent-elles les collectivités ?

Nous avons des collaborations étroites avec les collectivités, dans chacun des domaines. C’est le cas avec la mairie de Yopougon, commune dans laquelle nous sommes situés. Il nous fallait être sensibles aux réalités que vit la municipalité. Nous agissons à plusieurs niveaux. Le premier niveau d’intervention est de générer des connaissances utiles, pour aider les décideurs à améliorer le bien-être des communautés.

Dans cet accompagnement, pour faire mieux, nous avons plaidé pour le jumelage entre le canton de Bâle en Suisse et la commune de Yopougon. Dans ce cadre, plusieurs projets d’infrastructures sont prévus. Certains ont déjà été réalisés, surtout la rénovation d’un groupe scolaire, ici au Km 17, ainsi que la construction d’une cantine, mise à la disposition dudit établissement. Dans une seconde phase, nous allons construire un centre de santé, au quartier millionnaire extension, en faveur des couches défavorisées. Nous menons ces actions en collaboration avec la mairie de Yopougon.

Dans d’autres régions, ce sont des collaborations avec les conseils régionaux, spécialement celui du Sud-Comoé, à Aboisso, pour la conservation de la Forêt des Marais Tanoé-Ehy et contribuer au bien-être des communautés riveraines.

Dans toutes les régions où nous intervenons, les collectivités sont fortement impliquées, en ligne de front, pour l’appropriation des connaissances que nous générons. Mais surtout pour la mise en place de mécanisme durable de suivi de ces actions

7 – Monsieur le Directeur, en ce qui concerne les pratiques agricoles, quelles sont les innovations technologiques mises en place, pour permettre aux acteurs d’accroitre leurs productions ?

Notre approche s’appuie essentiellement sur le renforcement des capacités individuelles et institutionnelles. Ces politiques s’appliquent à tous les niveaux, en plus du volet académique. En milieu paysan, nous avons une ferme école dans notre station de recherche agronomique, située à Bringakro, dans le département de Toumodi.

Elle permet de former les gens à la maîtrise des itinéraires techniques, de la gestion d’une ferme, de la durabilité de nos productions agricoles et de la diversification des productions agricoles. De manière à ce que les jeunes ne viennent plus à l’agriculture par défaut, mais par ambition. Nous contribuons ainsi à la professionnalisation du métier d’agriculteur.

Ce qu’il faut à un agriculteur pour vivre toute une année ne dépend pas d’une seule spéculation, qui ne produit qu’une seule fois dans l’année. Il faut diversifier la production, pour qu’il ait toujours quelque chose sur le marché, quelle que soit la saison. Nous apprenons donc aux communautés de faire des innovations culturales. Dans le domaine de la production de l’igname par exemple, les paysans ne s’imaginaient pas qu’on puisse cultiver l’igname sur la même parcelle, plusieurs années successives. Leur technique consistait à faire la rotation des cultures, défricher de nouvelles terres, chaque année, avant de revenir, des années plus tard, sur l’ancienne parcelle.

Mais nous leur avons démontré, avec des pratiques très simples, qu’on peut continuer de cultiver l’igname, sur le même espace, sans nuire à la qualité du sol, en ayant des rendements qui augmentent d’une année à une autre. La politique consiste à enrichir le sol, avec d’autres spéculations bien choisies, singulièrement la production d’engrais biologique. Nous faisons ces démonstrations sur le site, les bassins de production de l’igname. Ce sont des innovations qui sont à leur portée, qu’ils peuvent adopter facilement. C’est quelque chose qui est appréciée par les paysans eux-mêmes, mais également par les collectivités qui essaient de les encadrer.

Pour aller plus loin, nous accompagnons les paysans, les aidons à s’installer. Nous mettons souvent à leur disposition de petits engins, pour les amener à aller vers la mécanisation. Ces dispositifs s’appliquent aussi à la transformation. Dans les régions ou zones d’intervention, où les femmes s’organisent, pour transformer le manioc, nous leur offrons de petites presses (machines). Lorsque nous constatons qu’elles sont bien organisées, nous leur offrons de petites unités de transformation, avec une machinerie beaucoup plus efficace que celle traditionnelle. Elle leur permet de réduire significativement la pénibilité de l’emploi et d’augmenter la production.

C’est ce que nous avons fait au niveau de Dohouan, autour de la Forêt des Marais Tanoé-Ehy. Les femmes apprécient ce genre d’apport, qui leur permet de multiplier et leurs productions, et leurs revenus par cinq, voire par six, dans l’année.

8 – De votre arrivée à la tête du centre en 2018 à ce jour, qu’est-ce qui vous a le plus marqué, s’agissant des actions menées ?

Il faut dire que je suis le premier Ivoirien à être porté à la tête de cette institution. Avant moi, c’était que des Suisses. Mais depuis une dizaine d’années, le Centre ose l’africanisation du poste de DG. Nous avons eu un premier Africain, suivi d’un deuxième. Je suis le troisième. C’est dire que c’est un gros défi. Mes prédécesseurs africains l’ont relevé. Ce qui a permis à la Suisse de continuer de faire confiance à la capacité des Africains de diriger une institution d’une telle envergure.

Maintenant, on ose l’ivoirisation du poste. Donc étant le premier Ivoirien, c’est vraiment un gros défi, pour maintenir le cap de la qualité, la productivité au niveau de l’institution. Et cela, à tous les niveaux. Le bilan que je fais est satisfaisant dans l’ensemble. Nous avons pu maintenir le dynamisme du centre, en tant que l’une des locomotives de la production scientifique en Côte d’Ivoire. Nous constituons 20¨% de la production en la matière. C’est dire que nous sommes une institution leader dans ce domaine.

En matière de renforcement des capacités, une très bonne dynamique a été également maintenue, avec une dizaine de soutenances de Thèse, une vingtaine de soutenances de Master chaque année, dans les universités publiques de Côte d’Ivoire, en collaboration avec le centre suisse.  Nous avons réalisé des projets dans la plupart de nos domaines d’intervention. Nous avons même pu transformer un contexte hyper-difficile comme la pandémie de covid-19 en opportunité. En réalité, nous avons su proposer des projets, que ce soit dans les domaines de la biodiversité comme dans celui de la santé, qui étaient d’actualité, pertinents, pour permettre d’augmenter la résilience des communautés à ce contexte.

Cela nous a permis de bénéficier des fonds auxquels nous n’avions pas accès auparavant. C’est le cas des fonds de l’Union européenne, de la fondation Bill and Melinda Gates. Nous maintenons donc une bonne dynamique de mobilisation des ressources, pour des recherches pointues. Au plan du développement infrastructurel, nous avons accompli des choses dont nous sommes fiers. Pour ceux qui ont visité le centre, il y a une dizaine d’années, quand ils y reviennent désormais, ils voient que le paysage a changé, avec de nouveaux bâtiments sortis de terre, qui répondent aux normes internationales.

Nous avons pu acquérir des équipements, pour nos laboratoires. Sans oublier notre combat en faveur de l’amélioration du cadre du travail, de façon générale, pour l’ensemble de nos collaborateurs. Tout cela est accompagné de réformes, au niveau de la gouvernance. De sorte que nous atteignons aujourd’hui le standard des institutions internationales. Nous avons l’accréditation aux bonnes pratiques financières de l’Académie africaine des sciences (Aas), très rigoureuse, reconnue par de grands bailleurs de fonds, au plan international.

Nous avons obtenu également l’accréditation aux bonnes pratiques de laboratoire, récemment. Tout cela nous permet de montrer à quel point nous pouvons être compétitifs, des partenaires crédibles pour n’importe quelle institution, mériter la confiance des bailleurs de fonds les plus exigeants. Nous sommes donc dans une très belle dynamique, de façon générale.

9 – Pourrait-on savoir les défis qui demeurent à relever ?

Les défis sont nombreux. Dans le secteur de la santé, un domaine majeur, nous avons dit devoir miser sur les essais cliniques. C’est un champ nouveau. La Côte d’Ivoire n’avait pas forcément accès à de grands fonds, pour les mener. Cela a été possible, à la faveur de la covid-19, pour certaines spéculations. Mais en obtenant l’adhésion du pays à l’initiative Europe pays en développement pour les essais cliniques (Edctp), l’Etat peut désormais avoir accès à de grands fonds, pour mener ces essais.

Il faut pouvoir saisir ces opportunités qui vont se présenter. Pour cela, il faut avoir des ressources humaines qualifiées, des équipements de pointe. Nous avons fourni beaucoup d’efforts, pour acquérir ces équipements. Nous venons même d’obtenir un microscope électronique, offert par l’un de nos partenaires (Nestlé), qui va nous offrir des champs nouveaux, pour mener des recherches dans d’autres domaines d’intervention.

Il n’y a aucun problème pour nous, s’agissant de notre capacité de nous mettre en réseau, avec des institutions internationales. Nous allons toujours continuer de le faire, surtout avec des institutions du Sud, voire de la Côte d’Ivoire. Il faut donc que nous réussissions à développer des synergies. Nous l’avons réussi dans certains projets, comme Pierre Mike, qui consiste à la lutte antivectorielle contre les moustiques, où nous avons réussi à fédérer toutes les institutions qui sont actives dans la lutte en Côte d’Ivoire.

 

Nous estimons que ce genre d’exemple devrait être systématisé, pour que les institutions de recherches, établies dans le pays, voire les institutions ivoiriennes, ne se voient pas en concurrentes. Mais que nous cherchions à fédérer nos efforts, travailler en synergie, pour attaquer les grands problèmes sociétaux.

10 – Pouvez-vous nous parler, à présent, des perspectives du centre ?

En matière de perspectives, il s’agit déjà de maintenir le cap de la bonne gouvernance. Des innovations sont en cours, pour nous permettre d’améliorer notre façon de travailler, continuer de mériter le crédit que les institutions internationales nous accordent. En nous octroyant l’accréditation aux bonnes pratiques, notamment de laboratoire, l’accréditation aux bonnes pratiques financières.

Les perspectives, c’est aussi continuer d’améliorer nos infrastructures. Certains bâtiments sont vieillissants, datant de 1951. Il faut les remettre aux normes. Il faut continuer d’acquérir des équipements de pointe et élargir notre accréditation aux bonnes pratiques de laboratoire, qui concerne, pour l’instant, notre laboratoire d’entomologie, à d’autres laboratoires, surtout de biologie moléculaire.

Au niveau de l’accréditation aux bonnes pratiques financières, nous avons de très bons scores au niveau gold, avec plus de 80 % de conformité, 70 % de conformité au top niveau, le niveau Platinum. Nous estimons que nous pouvons améliorer ces scores. C’est la raison pour laquelle nous allons continuer les innovations, en matière de bonne gouvernance, afin de mériter la confiance de n’importe quel bailleur de fonds, au plan international.

11 – Monsieur le Directeur, nous sommes au terme de cet entretien. Quel message souhaiteriez-vous faire passer à l’endroit des populations ?

Je tiens d’abord à vous remercier, pour l’intérêt. On nous reproche souvent de ne pas communiquer suffisamment sur ce que nous faisons. Après plus de 72 ans de recherches, pour le développement, avec tous les impacts, nous restons très peu connus, en dehors des sphères scientifiques. Nous en avons conscience. Donc des intérêts comme celui que vous manifestez nous permettent de mieux nous faire connaître, mieux répondre aux besoins des communautés. Nous sommes attentifs à l’évolution de la société ivoirienne, même africaine de façon générale. Nous sommes aussi ouverts, pour développer des synergies, avec tous ceux qui sont dans des domaines d’intervention qui nous concernent.

 

 

Propos recueillis par Aman Roger

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