FESCI Burkina Faso : « Suspendre la FESCI en Côte d’Ivoire, c’est livrer les étudiants à toutes formes de décision…»

Dans cette entrevue avec BAMOUNI Yidjené Thomas, Secrétaire Général National de la Fédération Estudiantine et Scolaire pour l’Intégrité au Burkina Faso (FESCI BF), nous abordons plusieurs sujets, notamment l’organisation de la structure, son mode de fonctionnement, ses acquis et défis. Actualité exige, nous avons évoqué la question de la FESCI en Côte d’Ivoire. Les questions auxquelles notre interlocuteur pris le soin de répondre, tout en mettant chaque acteur face à ses responsabilités.
Monsieur le Secrétaire Général merci de nous accorder cette entrevue. Avec vous on parlera de plusieurs sujets en rapport avec l’école et de la vie syndicale de la FESCI BF, ses défis, ses acquis, vos rapports avec les autres structures syndicales nationales et sous-régionales.
Merci pour l’opportunité que vous nous offrez afin de donner notre lecture sur la situation que vit nos camarades élèves et étudiants. Tout d’abord, on souhaiterait s’incliner sur la mémoire de nos disparus, exprimer notre soutien et encouragement à nos forces de sécurité et les Volontés pour la Défense de la Patrie engagés au front. Il faut dire qu’il y a également nos camarades étudiants qui font partie de ces entités.
Pouvez-vous vous présenter ?
Je suis Bamouni Yidjené Thomas, étudiant en Master 1 de Sauvegarde environnemental et social à l’Université Joseph Ki Zerbo de Ouagadougou, Secretaire Général National de la Fédération Estudiantine et Scolaire pour l’Intégrité au Burkina Faso (FESCI BF). Je suis à la tête de la structure depuis août 2024 pour un deuxième mandat.
On estime que la FESCI BF est la dérivée de la FESCI en Côte d’Ivoire. Qu’en est-il ?
Ce n’est pas vrai. Précisons que, ce n’est pas parce que deux structures ont des noms de similitude qu’une est dérivée. C’est comme des partis politiques de chez nous ici qui ont les mêmes noms que certains du Cameroun. Pourtant ça n’a rien à avoir. La FESCI BF, c’est la Fédération Estudiantine et Scolaire pour l’Intégrité au Burkina Faso. C’est une structure qui regroupe les élèves et étudiants burkinabè et qui a pour but principal la défense des intérêts de ceux-ci. Nous sommes une structure à part entière. La preuve, actuellement nos consœurs de la Côte d’Ivoire traversent des difficultés, mais nous on continue de fonctionner tranquillement. Nous n’avons pas les mêmes fonctionnements, les mêmes méthodes et les mêmes objectifs. Je peux vous rassurer que la FESCI BF et la FESCI sont deux structures différentes.
Alors comment se porte votre structure après plus de 10 ans d’existence ?
Après 10 ans d’existence, la structure se porte bien. Il y a des défis auxquels nous sommes confrontés. Mais progressivement nous avançons. Nous sommes la structure la plus jeune au niveau des structures de l’université. Malgré cela, nous sommes la structure la plus influente, la plus puissante et la plus écoutée au Burkina Faso dans le domaine éducatif. On espère durant notre mandant asseoir des bases pour servir de relais aux futures générations pour le rayonnement de la structure. Nous avons un bilan positif depuis notre existence au regard des retours que nous avons. Le travail n’est pas encore achevé donc on continue la course.
Qu’est-ce qui a donc motivé la création de FESCI BF pendant qu’il y a déjà des syndicats qui existaient ?
Tout est parti de la méthode de revendication de certaines structures. On commençait des luttes sans connaitre les tenants et les aboutissants. Nos doyens ont vu que la lutte ne répondait pas aux aspirations des élèves et étudiants. Donc il y avait la nécessité de réorganisation. Il faut dire que les structures qui existaient, fédéraient que les étudiants. Donc la FESCI BF est venue pour combler les insuffisances. C’est dire que tout est venu d’un contexte de frustration. La FESCI est née dans un contexte de LMD (Licence-Master-Doctorat). Les structures n’ont pas mené la lutte comme il fallait pour que le système réponde à nos attentes.
Quelles sont les actions concrètes menées par la FESCI BF pour la satisfaction des besoins des élèves et étudiants ?
La FESCI BF a mené beaucoup d’actions. L’une des premières actions, c’est la mise en place de Campusfaso. Car, bien avant l’existence de cette plateforme d’inscription tout se faisait de façon physique. Ce qui rendait les attentes longues lors des inscriptions. Donc, avant 2018 nous avons entamé la lutte et c’est en fin 2018 que la plateforme a été créée. Aujourd’hui, tu n’as plus besoin d’être à Ouaga pour t’inscrire. Même étant dans le village le plus reculé ou un autre pays et tu t’inscrits tranquillement.
Une autre chose, on n’avait remarqué que l’université ne disposait pas d’un Wifi. Et en 2015 la FESCI BF a mené le combat. A notre arrivée, nous avons mené une plateforme revendicative assortie d’une grève de 48 heures. Dieu merci on a un Wifi qui couvre toutes les universités publiques. Ce qui permet aux étudiants de faire leurs recherches.
Le Président Roch en son temps avait promis la subvention des ordinateurs. Une mesure que nous avons appréciée. Mais on a remarqué que durant son deuxième mandant rien ne se faisait. La FESCI BF a dit que si nous sommes dans un système LMD, pour que les étudiants fassent leurs recherches il leur faut des ordinateurs. Grâce à nos actions nous avons aujourd’hui « un étudiant, un ordinateur ».
Récemment nous avons demandé au gouvernement de trouver une solution par rapport au retard qui est un problème majeur qui mine nos universités. On a vu le Ministre prendre une note dans laquelle il a demandé de rattraper le retard durant les 2 mois des vacances. Ce qui a permis à certaines filières de bouger un peu même s’il y a d’autres qui trainent encore.
Nous avons également évoqué la question des infrastructures dans nos plateformes revendicatives. Ils sont en train de construire des infrastructures au niveau des amphi K et L. aujourd’hui on a des infrastructures numériques de haut niveau. Nous en sommes fiers.
Par rapport à l’université Joseph KI ZERBO, nous avons œuvré pour qu’il y ait le bitume, les pavés et les lampadaires à l’image des grandes universités.
Il y a également l’affaire de SOTRACO (Société de Transport en Commun). Bien avant, les étudiants se débrouillaient pour venir au campus. Le tarif tournait autour de 5000 F mille francs. Grace à une lutte que nous avons menée, 300 bus ont été remis au ministre de l’enseignement supérieur. A l’arrivée des bus, il y a eu surenchères. Ce qui a amené la FESCI BF a lancé l’opération tarif zéro. C’est après qu’il y a eu des pourparlers pour arriver à un tarif unique de 3000 F. Avec ta carte de bus tu peux voyager partout.
Il y a des luttes en cours par rapport à la construction de certains bâtiments. De façons pelle mêle voilà ce qu’on peut dire…
On peut donc dire jusqu’en ce jour que la FESCI BF a mené un combat noble ?
Oui effectivement…bien vrai que souvent il y a des cas où des critiquent surgissent. Mais nous prenons cela comme des critiques objectives.
Quelles méthodes employez-vous pour la satisfaction de vos revendications ?
La plupart du temps on privilégie le dialogue. On se dit que quelle que soit l’action qui va se mener on finit toujours par se trouver sur une table de dialogue. On privilégie les rencontres, les audiences avec les ministères de tutelles. Quand on va à un mouvement de grève, c’est que l’autorité a fait sourd d’oreille ou elle nous a écoutés sans prendre la chose au sérieux.
Quel rapport entretenez-vous avec les structures syndicales estudiantines nationale et sous-régionale notamment celles de la Côte d’Ivoire ?
De bon rapport. Souvent, Il peut avoir une guerre de position entre les différentes structures nationales. Mais tout se fait dans le respect de l’autre. On évite d’aller à l’extrême. Voilà pourquoi, il y a les communications entre les différents responsables pour éviter certaines situations désagréables.
Avec les structures syndicales de la sous-région et de l’Afrique nous avons mis en place une structure syndicale continentale qu’on a appelé la CESA (Confédération Estudiantine et Scolaire d’Afrique). Une structure qui a vu le jour au Burkina dans les années 2014-2015 dont le premier secrétaire général continental a été Assi Fulgence Assi (ex Secretaire Général de la FESCI). La structure fonctionnait bien, jusqu’à ce qu’on ait des difficultés. Le secrétaire Général en mandat est du Mali. Malheureusement, la structure du Mali a été dissoute suite à la mort d’un étudiant.
Depuis le 1er octobre dernier, la FESCI en Côte d’Ivoire est suspendue et les responsables dont le Secrétaire Général National Kambou Sié sont mis aux arrêts suite au décès de deux étudiants dont la responsabilité leur ait imputée. Quelle est votre réaction ?
Au nom de la fédération nous nous inclinons sur la mémoire du camaradé décédé dit « le Général sorcier ». Étant donné que c’est une personne que je connais, je veux souhaiter que son âme repose en paix. Comme on l’a toujours dit, tout acte de violence quelle que soit son origine, il faut la dénoncer. On se dit que nous sommes dans un contexte où on ne peut pas régler tout par la violence. Dans le mois d’avril, j’avais eu des échanges avec le camarade Kambou Sié lors de mon séjour en Côte d’Ivoire sur plusieurs sujets. J’avais eu vent de cette dissidence qu’il y avait entre eux. On a essayé de donner des conseils comme il peut pour qu’on puisse gérer la situation. Une chose est sure quelle que soit les dissidents, on ne peut pas encourager mort d’homme.
Maintenant les autorités ont pris en charge les dossiers, chose normale. Parce que dans un pays, il faut qu’il ait une justice. Quand quelqu’un décède, il faut que la justice se mette rapidement en marche pour que les coupables soient pris.
Mais ce que nous déplorons, ce sont les actes commis à l’endroit des camarades de la FESCI et à l’endroit de leurs sections. On est d’accord qu’il y ait des mesures fortes. Mais, on se dit qu’on a profité d’une occasion pour régler des comptes. Bien vrai qu’on reconnait qu’il y a eu des violences qui ont été faites. Déjà même que le gouvernement à cette force de mettre l’ordre, c’est bon. Cependant, on a l’impression qu’il y a une dissolution ne dit pas son nom qui se passe en interne. C’est ce que nous déplorons. Sinon que la justice se charge de l’affaire et que les responsabilités soient situées, nous n’avons rien contre ça. Si à la fin des enquêtes, on estime que c’est Kambou qui est coupable ou pas, en fonction des lois et des règlements de la Côte d’Ivoire que justice soit faite à son endroit. Si ce n’est pas lui également qu’on puisse le libérer pour qu’il puisse reprendre les activités syndicales et que la structure puisse fonctionner.
A la suite de ces évènements des étudiants ont été expulsés des cités universitaires. Quel commentaire faites-vous ?
Nous déplorons la manière de faire du gouvernement. Chez nous au Burkina Faso ici, c’est le CNOU qui se charge de tout ce qui est accessibilité aux différentes cités universitaires. A un moment donné le CROU n’a pas pleinement joué son rôle. Le CROU avait connaissance de l’existence des gens qui n’avaient pas droit à la chambre mais qui les occupaient. En ce moment quelles décisions le gouvernement a pris. Parce qu’il y a une situation, on se lève et on dit aux étudiants de libérer. Parmi ces personnes, il y a de véritables étudiants qui méritent les chambres qu’est ce qu’on fait de ces personnes. Tout le monde subit les conséquences. On a été peiné de voir des étudiants ivoiriens dehors. Pour nous la manière de faire n’a pas été la bonne. On pouvait déjà assainir ce milieu-là depuis fort longtemps. On pouvait prendre les vacances universitaires pour mettre de l’ordre. Mettre de l’ordre c’est normal, parce que les cités universitaires sont réservées aux étudiants inscrits et qui sont dans le besoin. C’est normal qu’il y ait des cités universitaires pour accompagner. Tout ça fait partie du cadre universitaire. Le logement, la restauration et les études, c’est 3 entités ensembles qui forment un tout. On espère qu’ils vont tirer les conséquences pour ne plus que pareille situation se répète.
Un mot à l’endroit des étudiant impactés.
Ça été d’abord au Mali et maintenant c’est en Côte d’Ivoire. Nous-mêmes on commence à s’inquiéter. S’il y a cette politique à faire taire les structures syndicales ou casser cette dynamique-là. Donc ils ont tous nos encouragements. On souhaite vraiment dit à l’Etat de Côte d’Ivoire qu’on a confiance en leur justice. Il faut que soit une justice impartiale. Que ça soit les Camarades de la FESCI, de la CEECI et d’autres structures syndicales, ils ont pleinement nos soutiens. J’ai essayé d’avoir des échanges téléphoniques avec d’autres camarades de ces pays-là, une manière de leur dire qu’on est de cœur avec eux. On espère un dénouement heureux. Parce qu’on sait ce que la FESCI et les autres organisations ont apporté au bien-être des élèves et étudiants ivoiriens. Bien vrai qu’il y a eu des dérives, il faut reconnaitre qu’il y a des acquis. Les suspendre toutes, ça serait livré les étudiants à toutes formes de décision. Parce qu’actuellement si le gouvernement prend une décision qu’est ce qui va bloquer. Si elle n’est pas la bonne, les étudiants seront livrés à eux-mêmes. On espère que le Président de la République va suivre le dossier de près pour ne pas qu’on entende que la FESCI a été dissoute en Côte d’Ivoire. Ça sera encore dommage pour nous. Depuis le Burkina Faso on suit les évènements de près. S’il faut qu’on intervienne on va intervenir à notre manière.
Les prochains défis de la FESCI BF ?
Il y a question de la mobilité. Comment asseoir une bonne mobilité au plan national pour les élèves et étudiants Burkinabè. Aujourd’hui quand vous prenez la ville de Dédougou qui est carrément détachée du centre-ville Ouagadougou et les étudiants sont obligés de parcourir des Kilomètres. Pour nous, il faut renforcer le parc automobile. Voilà pourquoi on salue la décision du gouvernement d’avoir augmenté le budget de la SOTRACO.
Autre défi mettre la pression sur le gouvernement pour qu’il y ait la formation des enseignants en nombre et en qualité. Nos universités ou centres universitaires on a un manque criard d’enseignants. A l’université Joseph Ki Zerbo, des filières comme l’Allemand sont obligés de ne pas recruter des étudiants en master par faute d’enseignants. Parce qu’on a seulement qu’un seul enseignant titulaire pour une filière.
Aussi amener les étudiants à prendre conscience de la situation sécuritaire et être encore plus engager, parce qu’on a un seul Burkina Faso. Si le pays prend un coup, on peut dire qu’on est « mort » … on est sûr d’une chose cette paix-là va revenir…
Interview réalisé par Jésus DOGBA (Correspondant NDC Burkina Faso),à l’Université Joseph Ki-Zerbo de Ouagadougou