Une vidéo diffusée sur les réseaux sociaux montre un jeune migrant à moitié nu, attaché par les pieds à un mur, violemment frappé à l’aide d’une pelle. Les images ont été envoyées à la mère de la victime afin qu’elle paie la rançon pour sa libération. Ce genre de violences commises sur les migrants sont légion en Libye et ont été maintes fois documentées par des activistes et des journalistes.
Attention, les images publiées dans cet article peuvent heurter la sensibilité des lecteurs.
Les images sont insoutenables. Dans une vidéo publiée lundi 25 mars sur le compte X (ex-Twitter) de Refugees in Libya – qui documente les exactions commises contre des migrants en Libye – on peut voir un Subsaharien violemment frappé par un homme vêtu d’une tunique blanche et d’un foulard jaune qui masque son visage.
Pendant 20 secondes, le bourreau assène plusieurs coups de pelle sur le dos et les épaules de sa victime, attachée par les pieds à un mur, à moitié nue. On entend l’homme hurler de douleur.
David Yambio, administrateur de la page Refugees in Libya, a reçu la vidéo via sa plateforme téléphonique lancée à l’automne 2021 pour venir en aide aux migrants en détresse coincés dans le pays. Après avoir vérifié l’authenticité des images et l’identité de la personne agressée, il l’a diffusé sur sa page X, suivie par plus de 17 000 personnes.
Près de 14 000 euros pour sa libération
L’homme torturé s’appelle Gedion Samuel Harison. Agé de 28 ans, il est originaire du centre de l’Éthiopie. Diplômé en architecture en 2021, il fuit son pays en début d’année dernière, après la mort de son père et de son frère, pour subvenir aux besoins de sa mère et de ses trois autres frères et sœurs. Son « maigre salaire » dans un petit cabinet d’architectes d’Addis-Abeba ne lui permet par de le faire, indique Refugees in Libya, qui détaille son histoire.
Début février, sa mère reçoit un appel des ravisseurs de son fils. Puis chaque jour qui suit, des vidéos de son enfant violenté. Les trafiquants lui réclament 15 000 dollars (près de 14 000 euros) en échange de sa libération.
La mère a lancé une cagnotte en ligne pour tenter de collecter cette importante somme et a signalé l’enlèvement de son fils à la police éthiopienne. Mais les autorités ont exprimé leur impuissance dans cette affaire, la Libye étant un pays en proie au chaos.
Retenu à Bani Walid, « le pire endroit sur terre »
Gedion serait retenu à Bani Walid, à environ 200 km de Tripoli, selon Refugees in Libya. Cette ville est tristement célèbre pour être l’une des terribles étapes sur la route des migrants. En 2017, un Camerounais prénommé Issa expliquait déjà à InfoMigrants qu’il fallait « prier Dieu pour de pas être vendu dans un ghetto de Bani Walid ». En janvier 2020, Ibrahim, un Sénégalais, racontait que « Bani Walid [était] le pire endroit sur terre« .
David Yambio, lui-même réfugié soudanais, aujourd’hui en Italie après plusieurs années en Libye, rappelle inlassablement sur les réseaux sociaux que les conditions de vie dans ces geôles de Bani Walid sont insupportables.
« Les exilés que vous voyez sont tous enfermés dans une seule pièce. Ils doivent faire leurs besoins dans une bouteille », détaillait-il à InfoMigrants en novembre 2023, après la diffusion d’autres vidéos de violences sur des exilés à Bani Walid. « Sur les images que nous recevons, nous devinons qu’il y a plusieurs pièces dans la prison où ils sont enfermés. Mais nous sommes incapables de dire combien ».
Des abus courants en Libye
En Libye, les exactions envers les exilés sont monnaie courante. Dans ce pays en proie au chaos depuis la chute de Mouammar Kadhafi en 2011, les groupes armés n’hésitent pas à kidnapper des migrants en pleine rue, sur la route de l’exil ou dans leur appartement, à filmer les tortures qu’ils leur infligent dans le but d’extorquer de l’argent à leurs proches. Il n’est pas rare non plus que des gardiens des centres de détention officiels revendent eux-mêmes des migrants à des trafiquants.