Mali/ Opération «Kélétigui» : Coups de boutoir contre les sanctuaires des terroristes
Les soldats disposent de plus en plus d’armes sophistiquées pour porter la riposte à l’ennemi
Les Forces armées maliennes multiplient les actions de combat contre les ennemis nichés dans les collines boisées de la Région de Koutiala. L’objectif est de détruire les repaires à partir desquels ils préparaient leurs actions pour faire régner la terreur dans la zone.
Du haut de sa terrasse, le capitaine Samba Gassama fixe un regard vigilant sur ses hommes pendant que les premières lueurs du jour se montrent ce 10 février 2022. Le longiligne officier à la barbe finement taillée est peu bavard. Ce commandant du sous Groupement tactique inter-armé (GTIA 3) de l’opération Kélétigui et sa troupe ont passé la nuit au Centre d’armes infanterie de Koutiala.
Après une journée éprouvante de patrouilles offensives aux trousses des combattants terroristes. La nuit tombée, les véhicules avaient été disposés en position stratégique pour prévenir tout risque. Sur ces terrains délicats, les militaires ne dorment que d’un œil. Toujours prêts !
La troupe du capitaine Gassama commence à se mettre en mouvement. Un vent frais balaye les alentours. La colonne de pick-up peinte en treillis de camouflage va entamer une nouvelle journée marathon. C’est l’heure de la toilette, des exercices physiques et de la prière. Même en zone d’intervention, les militaires ne lésinent pas sur leur apparence. Les têtes sont minutieusement brossées au peigne pour certains.
La toilette s’effectue également pour les engins et les armes qui sont minutieusement vérifiés et chauffés. Certains en profitent pour faire des coups d’éponge au véhicule.
L’unité prend rapidement le petit-déjeuner pendant qu’un air de musique traditionnelle donso résonne d’une voiture. Le café au lait et le pain sont rapidement dévorés par les combattants aguerris au maniement des armes. Chacun avance avec son bol pour se servir.
Une symphonie infiniment répétée. Le départ peut être donné. Le convoi s’élance lentement en file indienne pour rejoindre les autres éléments du Groupement tactique inter-armé (GTIA 2), engagé dans l’opération Kélétigui.
Le poste de commandement des opérations est basé à Karangana à 70 km de Koutiala. Ce trajet est effectué à travers les buissons, sur les pistes chaotiques mais sous les regards admiratifs des villageois. «La troupe se porte à merveille, le moral est au beau fixe. L’opération se déroule normalement. «Nous menons des actions offensives en autonome.
La motivation est totale depuis que les autorités ont bien voulu mettre à notre disposition les matériels nécessaires pour la réalisation de notre travail», assure le capitaine Gassama, à la tête de l’une des unités combattantes de l’opération Kélétigui.
Le secteur de Koutiala avait connu une recrudescence des attaques terroristes menées notamment par des groupes affiliés à Al-Qaeda qui avaient sanctuarisé les forêts et les collines à la lisière de la frontière entre le Mali et le Burkina Faso.
Les groupes qui écumaient le secteur du Cercle de Yorosso étaient à l’origine l’enlèvement en février 2017 de la religieuse colombienne sœur Gloria Narvaez, dans la localité de Karangasso (40 km de Koutiala). La religieuse a été libérée par les Forces armées maliennes (FAMa) en octobre 2021.
Les terroristes ont également mené plusieurs attaques contre des postes de police, de douanes et de la gendarmerie notamment à Koury et Sienso. En plus des sévices qu’ils imposaient aux paisibles populations auxquelles ils imposaient des taxes, ils s’illustraient par des vols de bétail.
Tout ceci n’est qu’un mauvais souvenir désormais. La montée en puissance des FAMa est perceptible aux moyens déployés et la motivation dont font preuve les soldats. Ils débusquent désormais au couteau et à la fourchette les terroristes aux confins de leurs sanctuaires.
La capacité de nuisance des groupes terroristes a été anéantie par la forte mobilisation des FAMa dans la zone. Ce dispositif en 8è Région miliaire a pour fer de lance le GTIA 2 engagé dans l’opération Kélétigui, sous le commandement du lieutenant-colonel Mohamed Dramane Sidibé. Bien bâti, l’officier barbu que nous retrouvons au PC est entouré de ses adjoints.
D’une démarche déterminée, il donne des explications claires et nettes sur les opérations. «à travers Kélétigui, les FAMa mènent des actions d’envergure contre les groupes armés terroristes en vue de regagner du terrain et reprendre l’initiative sur ces groupes», explique le lieutenant-colonel Mohamed Dramane Sidibé.
L’objectif, insiste-t-il, est de neutraliser les groupes terroristes et détruire leurs sanctuaires identifiés. Chose à laquelle lui et ses hommes travaillent activement, recherchant les zones de présence des terroristes et leurs bases pour les détruire. La zone d’évolution de l’opération concerne la zone de Sikasso et celle de Koutiala.
Essentiellement dans les localités de Denderesso, Zantiguila, Tièrè, Misanso, Kabalé, les collines situées entre le Mali et le Burkina Faso, la zone de Maou et sur Boura où la présence ennemie est signalée.
«Nous évoluons avec les nouvelles acquisitions que les autorités ont mises à disposition. Je vois que les hommes sont déterminés pour mener à bien la mission. Récemment la visite du chef d’état-major des armées a permis de réarmer le moral de la troupe», se réjouit le lieutenant-colonel Mohamed Dramane Sidibé.
Les moyens engagés dans l’opération expliquent le succès engrangé contre les ennemis. La hiérarchie a notamment mis à disposition des hommes, des engins blindés et d’autres matériels efficaces.
Selon l’adjudant-chef Abdoul H. Niang, chef du peloton blindé du GTIA 2, les équipements blindés viennent en soutien aux troupes d’infanterie, celle à pieds, dans les pick-up ou les unités motorisées. «Certains endroits sont touffus. On ne peut pas y avoir accès.
Nous ouvrons le feu, nous pouvons faire des détonations avant que les fantassins ne pénètrent la zone. Nous pouvons tirer à longue distance avec toujours des effets», souligne l’adjudant-chef Abdoul H. Niang avant de monter à bord d’un de ses engins lourds.
MOYENS D’ENVERGURE- Pour le lieutenant Moulaye Ould Gouba, commandant sous GTIA 2 de l’opération Kélétigui, les moyens d’envergure déployés ont rapidement fait la différence sur le terrain.
Ce militaire trapu, aguerri au combat contre les groupes terroristes, laisse transparaitre à chaque geste ses qualités de meneur d’hommes expérimenté.
Turban noué autour de la tête et cartouchière classée sur le gilet, il multiplie les échanges avec ses hommes qu’il n’hésite pas à charrier avec de petites blagues.
Babba, un d’entre eux, porte gaillardement une mitrailleuse, dont la chaîne de cartouches lui fait le tour de la taille.
Le lieutenant Moulaye confirme que les groupes terroristes sont fortement affaiblis suite aux multiples revers qu’ils subissent depuis l’amorce de Kélétigui. «Nous avons sillonné les collines le long de la frontière et détruit beaucoup de bases terroristes.
La population est rassurée par notre présence. Nous faisons le nettoyage, les reconnaissances et nous détruisons les bases», précise avec confiance le commandant de compagnie.
Dans cette guerre non conventionnelle où l’ennemi use souvent de ruse, il faut avoir plusieurs cordes à son arc. L’armée s’est aussi adaptée au mode opératoire des groupes terroristes pour mieux les combattre.
Dans ce sens, l’opération Kélétigui compte des unités légères circulant à moto et faisant des reconnaissances. «Nous faisons comme eux. Nous évoluons à moto et à pieds dans les collines pour mieux les débusquer.
Je peux vous confirmer qu’ils sont en débandade dans les collines», assure le lieutenant Moulaye. Les motos sont également très efficaces pour les détections des Engins explosifs improvisés (EEI) et peuvent pourchasser l’ennemi dans des coins difficiles d’accès pour les véhicules, assure le sergent Diakité, chef de section motard.
Les moyens diversifiés et la détermination des hommes sont, entre autres, les recettes des succès engrangés par les hommes du GTIA 2 de Kélétigui. «Nous avons découvert quatre véhicules, des bases ennemies, beaucoup de matériels qui rentrent dans la fabrication des engins explosifs improvisés lors de fouilles pédestres sur la colline de Tandio», détaille le lieutenant-colonel Sidibé, chef du groupement tactique.
Les descentes dans ces terrains rocheux et très difficiles d’accès se mènent souvent au cours de combats acharnés contre les terroristes souvent embusqués.
Abamako