Iran: mort de Mahsa Amini en détention provoque un affrontement entre la police et des manifestants

Demonstrators gather around a burning barricade during a protest for Mahsa Amini, a woman who died after being arrested by the Islamic republic's "morality police", in Tehran on September 19, 2022. - Fresh protests broke out on September 19 in Iran over the death of a young woman who had been arrested by the "morality police" that enforces a strict dress code, local media reported. Public anger has grown since authorities on Friday announced the death of Mahsa Amini, 22, in a hospital after three days in a coma, following her arrest by Tehran's morality police during a visit to the capital on September 13. (Photo by AFP)

Des affrontements ont opposé lundi la police à des manifestants dans plusieurs villes iraniennes après la mort de la jeune femme détenue par la police des mœurs. Les forces de l’ordre ont de nouveau rejeté toute responsabilité dans ce décès.

“La colère monte” en Iran après la mort de Mahsa Amini, constate Najmeh Bozorgmehr, correspondante du Financial Times à Téhéran. Lundi, “des affrontements ont opposé la police aux manifestants dans les plus grandes villes d’Iran et dans toute sa région kurde”, après le décès de la jeune femme kurdo-iranienne, arrêtée par la police des mœurs, rapporte la journaliste.

Selon l’ONG kurde Hengaw, les forces de sécurité auraient ouvert le feu sur des protestataires, tuant cinq personnes, rapporte le Times of Israel. Deux personnes seraient mortes à Saghez, la ville dont était originaire Mahsa Amini tandis que les autres protestataires auraient été tués à Divandarreh et Dehgolan, précise l’organisation de défense des droits de l’homme. Les autorités iraniennes n’ont toutefois pas communiqué sur ces décès et la mort de ces manifestants n’a pas été vérifiée, précise le site israélien.

Des vidéos publiées sur les réseaux sociaux montrentpar ailleurs “une foule dans la ville (kurde) de Divandarreh (nord-ouest) qui jette des pierres et se met à courir après avoir essuyé des tirs”, rapporte la BBC“D’autres images montrent aussi des manifestations dans la capitale, où des femmes enlèvent leur foulard et crient ’mort au dictateur’ – un chant souvent utilisé en référence au guide suprême, l’ayatollah Ali Khamenei”, souligne le média britannique.

“La jeunesse se réveille”

Selon Le Temps, certaines Iraniennes ont aussi “décidé de couper leurs cheveux pour montrer leur indignation”. “C’est la première fois que je vois cela”, a expliqué la politologue et sociologue Mahnaz Shirali au quotidien suisse. “Dans les sociétés orientales, les femmes aux cheveux longs sont respectables, pas celles avec les cheveux courts”, précise la chercheuse. “Pour une fois, la violence contre les Iraniennes a un visage”, remarque-t-elle.

“La jeunesse se réveille alors qu’elle s’était réfugiée dans l’indifférence, un mécanisme d’autodéfense”, note Mahnaz Shirali. Mais la mort de Mahsa Amini a été un énorme choc, car c’était l’innocence même. Elle n’était pas politisée. Toutes les Iraniennes qui ont eu affaire à la police des mœurs se sont dit qu’elles auraient pu connaître le même sort.”

Le 13 septembre, Masha Amini a été arrêtée à Téhéran pour “port de vêtements inappropriés” par la police des mœurs, une unité chargée de faire respecter le code vestimentaire strict de la République islamique d’Iran pour les femmes.

Alors que les autorités sont accusées par les manifestants d’avoir provoqué sa mort lors de sa détention, le chef de la police de Téhéran, le général Hossein Rahimi, a de nouveau rejeté lundi les “accusations injustes contre la police”. “Nous avons mené des enquêtes […] Et toutes les preuves montrent qu’il n’y a pas eu de négligence, ou de comportement inapproprié de la part des policiers”, a-t-il dit. “Il s’agit d’un incident regrettable et nous souhaitons ne jamais plus être témoins de tels incidents”, a-t-il ajouté.

“La République islamique a perdu la confiance” des Iraniens

Le père de Mahsa Amini a lui affirmé lundi à la chaîne kurde Rudaw que sa fille avait été “battue à l’intérieur d’un véhicule de la police alors qu’elle était détenue, ce qui a entraîné sa mort prématurée”. Selon lui, “les femmes qui étaient dans l’ambulance ont dit qu’elle avait été frappée à la tête”. Il a ajouté que les autorités avaient refusé de lui communiquer les résultats de l’autopsie.

“Avec ses obscures enquêtes, ses récits alambiqués et ses dénégations incessantes, la République islamique […] a progressivement perdu la confiance des 83 millions de citoyens qui vivent dans un état de désillusion morale, d’apathie religieuse et de désespoir financier”, estime la journaliste irano-américaine Tarla Kangarlou, dans une tribune publiée sur le site du magazine Time“Le président iranien Ebrahim Raisi a chargé le ministre de l’Intérieur de superviser une enquête approfondie sur la mort d’Amini. Mais c’est le gouvernement de Raisi qui a ordonné une vigilance accrue de la police des mœurs au cours des derniers mois”, rappelle-t-elle.

Moustapha Tall

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