Maintien de Bédié à la tête du PDCI / Ahipeaud Martial : « Ce n’est pas une question d’âge, mais de sagesse »

La question des prisonniers, des exilés et le maintien du Président Henri Konan Bédi à la tête du PDCI constituent entre autres des sujets de préoccupation de bon nombre de citoyens. Interrogé dans le cadre d’une interview, le lundi 17 octobre 2022, à son domicile privé sis à Abidjan Cocody Plateau Dokui, Docteur Martial Joseph Ahipeaud se prononce, tout en dévoilant ses ambitions au sein du plus vieux parti ivoirien.

Bonjour Monsieur ! Que pouvons-nous retenir de vous à l’état civil ?

Je m’appelle Martial Joseph Ahipeaud, je suis né le 29 juin 1966, à Lakota. J’enseigne les relations internationales, l’histoire des relations internationales, à l’Université Alassane Ouattara de Bouaké, depuis 2010. J’ai été le SG de la FESCI, de 1990 jusqu’en septembre 1993. Membre fondateur de plusieurs organisations dont l’UDPCI, j’ai créé, en 2007, l’Union pour le Développement et les Libertés (UDL). Je suis le président de l’Union des Anciens de la FESCI (UNAFESCI, créée en 2018.   

M. Ahipeaud Martial, le président de l’Assemblée nationale d’alors, Guillaume Soro, avait reçu dans le temps les Anciens SG de la FESCI. Vous étiez de la délégation. Aujourd’hui, il est en exile. Quelle approche faites-vous de cette affaire ?

Disons que Guillaume, comme vous le savez, est un Fesciste plein. Il a pris les armes pour une cause. Il a estimé que le troisième mandat ne faisait pas partie. Donc sans fioriture, il est allé à la rupture avec son père et son mentor. Mais aujourd’hui, il serait bien que deux ans après, on réanalyse la situation et voie comment faire en sorte que lui et Charles Blé Goudé puissent rentrer au pays. En tout cas, c’est notre souhait, en tant que responsable de l’Union des Anciennes de la FESCI (UNAFESCI). Mais c’est assez complexe, puisque ça relève carrément du politique et nous y travaillons, de façon étroite, avec le ministre de la Réconciliation nationale.

En tant que membre fondateur de l’UDPCI, aujourd’hui vous êtes militant de base du PDCI. Qu’est-ce qui a créé le divorce avec l’UDPCI ?

Le divorce date de 2005. Comme vous le savez, quand nous sommes sortis de Marcoussis, on venait de perdre nos deux premiers responsables. Il y a des choix qui ont été faits, jusqu’à ce qu’il y ait un congrès extraordinaire que d’autres Camarades ont voulu organiser. Je n’étais pas pour ce congrès. C’est ce qui a justifié mon départ de l’UDPCI.

Aujourd’hui, le président Bédié est en âge un peu avancé.  Sur cette question, certaines personnes ne veulent plus le voir à la tête du parti. Quel est votre avis ?

Moi, à mon avis, le maintien du Président Bédié à la tête du parti n’est pas une question d’âge. C’est une question de sagesse, parce qu’on peut être jeune et être fou. Ce dont nous avons besoin aujourd’hui, c’est de créer les conditions d’une équipe qui pourra conduire, après le président Bédié, cette organisation, fondatrice de notre pays. Pour moi, il est important que dans les différentes activités qu’il est en train d’organiser, notamment le Bureau politique, ensuite le Congrès, le parti, dans toutes ses composantes, parvienne à mettre en place les fondamentaux qui vont encore, non seulement le ramener au pouvoir, mais qui vont lui permettre de relancer la machine pour la renaissance du parti les prochaines années.

Dans ce projet de relance de la machine du PDCI, quelle place comptez-vous occuper ?

Comme je vous l’ai dit, je suis un militant de base. Je suis à la disposition des populations de Lakota, qui m’ont demandé de venir les aider. Peut-être qu’elles ont considéré que j’ai un savoir-faire qui pourrait les aider. Donc déjà, au plan local, je suis absolument disponible. Dans les jours qui viennent, je vais leur demander quel rôle ils souhaiteraient que je joue.

Au niveau national, je pense que des canaux officiels ont aussi informé le président Bédié de ma disponibilité. Je suis un militant discipliné et je me tiens donc en ordre de bataille, pour que les missions qui me seront confiées, quelles qu’elles soient, je puisse les accomplir au mieux de mes capacités.

Avec ce retour au PDCI, est-ce à dire qu’Ahipeaud Martial sera candidat aux prochaines élections municipales ?

Le PDCI, c’est ma maison naturelle. Je suis de ceux qu’on pourrait appeler la Gauche de notre pays depuis l’époque. C’est dans la famille. Et donc je n’ai jamais été en contradiction avec ma position par rapport à cela. Pour ceux qui connaissent l’histoire du président Houphouët et mon père, ils savent très bien que ça ne peut être autrement. 

Donc aujourd’hui, si mes parents me demandent de les aider, je crois que si j’ai un peu de modestie, je peux essayer de voir ce que je peux faire. 

Alors docteur, vous avez dit tout à l’heure, dans votre intervention, que vous êtes militant de base du parti du président Henri Konan Bédié. Ce parti était à la base de la lutte contre le 3ème mandat du président Ouattara, comme vous l’avez souligné. Qu’est-ce qui a causé l’échec de cette lutte ?

Bon, c’est une question extrêmement complexe. Personnellement, je connais le leadership du président Bédié. En tant que membre de la direction du Conseil national de Transition (CNT), j’ai vu l’ancien syndicaliste, le leader capable de faire des synthèses. Je crois qu’il a dirigé comme il le fallait toutes les opérations. L’objectif était d’arriver à une discussion, créer les conditions d’une transition générationnelle. Parce qu’il n’était pas souhaitable, même pas aujourd’hui, que notre pays rentre dans une dimension chaotique, à cause de la fragilité du tissu social. 

Mais il y a certaines questions qui ne relèvent pas de ma compétence. Donc souffrez que l’échec de ce combat-là, ça ne soit pas moi qui l’explique aux Ivoiriens.

Nous sommes à moins de deux (02) ans des élections locales de 2023. Trouvez-vous que la CEI actuelle peut réellement organiser ces élections sans qu’on ait encore des troubles ?

 L’un des points centraux du combat contre le troisième mandat, c’était justement la Commission électorale indépendante (CEI), dans sa posture extrêmement virulente contre l’opposition. Vous voulez qu’on attente quoi de cette CEI dirigée par un militant extrêmement engagé du Rassemblement des Républicains ? C’est de ça qu’il s’agit.

Donc pour nous, c’est toujours sur la table, la réforme qui devrait permettre que le choix des potentiels dirigeants locaux, au niveau des Mairies et des Régions, soit vraiment celui du peuple. Apparemment, je ne suis pas certain que les élections qui s’annoncent vont se dérouler dans des conditions objectives.

Depuis la présidentielle de 2011, la situation des prisonniers politiques demeure une préoccupation. Aujourd’hui, qu’est-ce que vous attendez concrètement du président Ouattara ?

Je pense que ce que toute la nation attend du président Ouattara, c’est de créer les conditions d’une transition générationnelle. Faire en sorte que la Côte d’Ivoire se réconcilie avec les grands principes, que les ainés qu’ils sont, au moment où ils seront en train de partir, que nous ne soyons pas à la merci des ressentiments.  Dans ce cadre, qu’il crée les conditions de cette harmonie. Je crois que dans la gestion des effets de la crise postélectorale, les prisonniers politiques en font partie, étant l’un des points cruciaux.

Bien entendu, il y a la CEI et autres. Mais dans le fond, c’est lui qui est aujourd’hui le père de la nation. Donc c’est lui qui doit créer les conditions d’une sérénité nationale. La forte attente des Ivoiriens, lors de son allocution à la faveur de l’indépendance de cette année, c’était justement ça. On avait espéré, après la rencontre avec son jeune frère Laurent Gbagbo et son ainé Henri Konan Bédié, qu’il sorte un discours comme celui de 2017-2018, qui a vraiment fait baisser la tension.

Donc il n’est pas encore trop tard. Je pense qu’il y a certainement l’allocution de décembre prochain, la veille du nouvel an. C’est vrai que c’est une année électorale. Mais dans sa posture actuelle,  je ne crois pas qu’écouter les sirènes des gens qui lui demandent de faire d’autres mandats serait l’option. Qu’il rentre dans l’histoire, en créant les conditions d’une transition générationnelle, en laissant un pays apaisé, si demain il s’en va.

Nous sommes pratiquement au terme de cet entretien. Quel est votre message à l’endroit de la jeunesse, voire de la nation ivoirienne ?

Aujourd’hui, notre souhait, c’est que nous créions les conditions de repenser notre nation pour les prochaines décennies. Nos ainés sont là. Ensemble, on peut essayer de concevoir quelque chose qui nous permettrait éventuellement de faire sortir notre pays de la belligérance permanente, du ressentiment. Si on a réussi cela, je pense que ce serait fantastique. 

Le rôle de la jeunesse de notre pays, c’est de contribuer à ce combat. Faire en sorte que ceux qui ont des talents, comme on l’a vu avec le jeune Morrison, puissent prospérer. Et que ceux qui sont de mauvais exemples ne soient pas les références. Je crois que c’est ça qui est le plus important. Si on a compris cela, en principe, cette décennie, qui doit être celle d’un  rattrapage stratégique pour notre pays, va vraiment nous déterminer pour les trois ou quatre prochaines décennies.

AR

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